Manager avec bienveillance – Une utopie ou une alternative possible est profitable aux entreprises ?

La bienveillance au travail un effet de mode, un procédé manipulatoire, un discours illusionniste, ou une évolution logique des comportements managériaux face aux défis à venir ? Dans cet article nous tenterons de répondre à cette question et de mieux comprendre ce que signifie la bienveillance.

Le rôle du manager

D’après cadre-dirigeant-magazine, « Un manager est un maître de manœuvre qui conduit une équipe, il définit les méthodes et les priorités qui permettront d’atteindre les objectifs de l’entreprise »

Pour y parvenir, il fait appel à un certain nombre d’outils et de moyens : Doté d’une prise de recul, d’un esprit de synthèse et d’une conscience de sa position dans l’entreprise il fixe un cadre à son équipe avec des objectifs à atteindre. Grâce à son goût des autres et sa capacité à déléguer il permet à ses collaborateurs de se développer.

Puisque manager est avant tout une question humaine, il existe donc autant de manières de manager qu’il existe de managers. Et, les relations humaines est un veste domaine, une donnée très complexe conduisant le manager à faire face à un certain nombre de difficultés. Il doit s’adapter à des personnalités et des attentes différentes. Il doit faire preuve d’agilité pour gérer les paradoxes : Comment rester loyal envers ma hiérarchie et mon équipe lorsque leurs attentes sont en contradictions ? Mais, une des plus grandes difficultés du manager est de réussir à motiver ses collaborateurs. Existe-t-il un secret ? Une solution qui marche à tous les coups ? La réponse est très probablement « non » puisqu’il existe autant de manières de fonctionner qu’il existe d’individus. Et, qu’en est-il des attentes des collaborateurs ?

Les attentes des collaborateurs

Ce que disent les psychologues

Maslow avec sa pyramide des besoins nous apporte en 1942 un début de réponse. Il explique que chaque individu ressent les besoins cités dans la pyramide à des proportions qu’il lui est propre. Il explique aussi que nous sommes en capacité de ressentir le besoin de l’étage supérieur à partir du moment ou celui de l’étage inférieur a été comblé. Par exemple, une fois que nous nous sentons en sécurité nous pouvons nous intéresser à nos besoins d’affection.

Puis Taïbi Kahler base sont approche de la process communication sur 8 besoins psychologiques universels : Le besoin de reconnaissance au travail, de ses opinions, et en tant que personne, le besoin sensoriel, d’excitation et de contact ludique, le besoin de solitude et enfin le besoin de structuration du temps. Ces 8 besoins se situent au niveau des étages 3 et 4 de la pyramide de Malsow. Taïbi Kahler estime que nous ressentons tous ces besoins, collaborateur et manager, dans des proportions différentes en fonction de chaque individu et que ces besoins expliquent certaines tendances de comportements en entreprise.

L’évolution des besoins

Si nous faisons le parallèle entre l’évolution de la société et l’évolution de nos besoins individuels au travail, nous remarquons que :

  • Au XIXème, début du XXème siècle les campagnes ont subi l’exode rural, les individus à travers un emploi dans l’industrie cherchaient une sécurité, une stabilité par rapport au travail des champs plus difficile et incertain. Les employés étaient donc principalement centrés sur les deux premiers étages de la pyramide de Maslow.
  • Puis, milieu XXème début XXIème siècle, les baby-boomers et la génération X plus en sécurité que leurs ainés, cherchent à répondre à leurs besoins d’appartenance et d’estime de soi. A cette époque, les employés étaient attachés à l’entreprise dans laquelle ils travaillaient. Il était fréquent qu’une personne fasse toute sa carrière dans la même entreprise.
  • Les générations d’aujourd’hui et de demain Y et Z, cherchent d’avantage un épanouissement personnel à travers le travail, un besoin d’accomplissement. En effet, s’ils jugent l’entreprise dure et compliquée, ils n’hésitent pas à se lancer dans l’entreprenariat. La conciliation vie privée / vie professionnelle est devenue une grande préoccupation. Les changements rapides de fonction et d’entreprises ainsi que la recherche du bien-être au travail au détriment d’une « carrière » traduisent ce phénomène sociétal.

Celle évolution des besoins colle parfaitement avec le principe de Maslow. Si autrefois la rémunération, les augmentations et les promotions synonymes de sécurité et de reconnaissance, étaient les sources principales de motivation aujourd’hui ce n’est plus le cas. Les entreprises doivent réfléchir à d’autres méthodes pour parvenir à motiver ses employés.

La bienveillance, qu’est-ce que c’est au juste ?

Bien que ce terme soit employé à tout va depuis quelques temps, non ce n’est pas un effet de mode. P. Rodet et Y. Desjacques expliquent dans leur livre « Le management bienveillant » que la notion de bienveillance a questionné les philosophes et théologiens de toutes les époques.

Aristote nous dit que « la bienveillance est un ressenti même à l’égard de gens qu’on ne connait pas, et elle peut demeurer inaperçue, ce qui n’est pas le cas de l’amitié. » Il dit ensuite que « celui qui souhaite la prospérité d’autrui dans l’espoir d’en tirer amplement profit, parait bien avoir de la bienveillance, non pas pour cet autre, mais plutôt pour lui-même, pas plus qu’on est ami de quelqu’un si les soins dont on l’entoure s’expliquent par quelques motifs intéressés. » Par ces propos, Aristote définit la bienveillance par trois caractéristiques : « la bienveillance consiste, pour une personne, à vouloir du bien à une autre, sans nécessairement qu’elle le sache, et de manière désintéressée. »[1] Du fait de sa définition, la bienveillance ne peut donc pas être un procédé manipulatoire des dirigeants dans leurs propres intérêts. De même qu’une entreprise qui prônerait la bienveillance comme une de ces valeurs fondamentales ne peut être crédible. En revanche, la bienveillance par le fait de vouloir du bien à autrui sans l’infantiliser ni le contraindre répond à un besoin croissant d’autonomie, d’acroitre ses connaissances, de progresser et d’épanouissement dans son travail: au besoin d’accomplissement.

Puis, au moyen-âge St Thomas d’Aquin nous apporte une nouvelle notion en considérant la bienveillance non plus comme un sentiment ou un ressenti mais comme un acte en parlant d’acte de bienveillance. [1] L’idée que la bienveillance est active permet d’entrevoir une notion de responsabilité : Puisque la bienveillance n’est plus une capacité dont nous serions dotés ou non, elle nous renvoi à notre responsabilité de vouloir le bien d’autrui. De plus, l’idée que la bienveillance existe sans amitié nous responsabilise dans cet acte : Nous ne sommes pas obligés d’éprouver de la sympathie envers autrui pour faire preuve de bienveillance envers lui. Ce qui en entreprise est souvent le cas. Nous ne pouvons pas éprouver de la sympathie pour tous nos collègues, responsables et collaborateurs ce qui ne nous dédouane pas de faire acte de bienveillance envers eux.

Et enfin, Kant va plus loin en offrant une approche encore plus objective de la bienveillance. En faisant le distinguo entre sympathie et bienveillance, il va jusqu’à dire que la bienveillance possède une valeur morale : C’est un devoir d’humanité. Cette idée rejoint toute notion d’Ethique en entreprise, elle est même au cœur d’un tel système. [1]

Le management et l’approche par la bienveillance

Comme expliqué au chapitre le rôle du manager, une des plus grandes préoccupations des managers est de réussir à motiver ses collaborateurs. P. Rodet et Y. Desjacques expliquent qu’il existe deux catégories de motivation :

  • la motivation extrinsèque qui est basée sur la récompense et la peur de la sanction,
  • et la motivation intrinsèque basée sur les caractéristiques profondes de l’humain.

Des études ont montré que « l’effet d’une augmentation salariale sur la motivation ne dure que deux à trois semaines ». En parallèle, d’autres études ont montré « la supériorité de la motivation intrinsèque dès lors qu’il s’agissait d’accomplir des missions complexes. » cela s’explique par le fait qu’à la différence de la motivation extrinsèque, « la motivation intrinsèque va augmenter les émotions positives tel que la joie, l’espoir, la fierté et diminuer les émotions négatives tels que la colère, la peur, la honte. » [1]

Et, les motivations intrinsèques sont étroitement liées à la bienveillance. La bienveillance en favorisant la confiance réciproque entre le manager et le collaborateur permet d’instaurer plus d’autonomie, de créer un climat harmonieux favorisant les prises d’initiatives de la part des collaborateurs. Se sentant utiles, les collaborateurs perçoivent le sens de leur travail et des tâches qu’ils ont à accomplir.

Ainsi, modifier les comportements managériaux vers plus de bienveillance est un début de réponse à la question crucial de tout manager : Comment mobiliser mes collaborateurs pour améliorer les performances de mon équipe ?  Mais, le paradoxe de cette approche est qu’elle ne peut être efficace uniquement si le but de la démarche est de vouloir le bien des employés. L’amélioration des performances de l’équipe sera alors une conséquence de celle-ci, un bénéfice secondaire.

Une étude montre qu’en 2012 seulement 20% des Français éprouvaient du plaisir dans leur travail. Dans un monde où la quête de sens et la recherche de bien-être au travail est de plus en plus présent, où certains employés n’hésitent plus à dénoncer des pratiques d’entreprises qu’elles jugent trop en désaccord avec leurs valeurs, les entreprises ne peuvent plus éviter la question de la bienveillance. A elle seule la bienveillance ne peut pas résoudre les difficultés d’une entreprise, mais c’est un ingrédient de réussite essentiel pour toute entreprise tournée vers l’avenir.


[1] Le management par la bienveillance Dr Philippe Rodet et Yves Desjacques.

Laura Novita – Consultante en Image & Communication

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